Interférences : Radios, collaborations et répressions en Belgique (1939-1949)
La fin de la guerre sonne l’heure des règlements de compte. Partout dans le pays, ceux que l’on qualifie de traîtres à la patrie sont traqués. Parmi eux, les collaborateurs de Radio Bruxelles, le poste qui diffusa la propagande allemande pendant les années noires. Deux procès spectaculaires s’ouvrent devant les Conseils de guerre pour condamner les speakers et journalistes notoires. Les autres, chroniqueurs, acteurs, musiciens, dactylos et autres fonctionnaires, embarqués dans une collaboration plus « ordinaire », qu’ils estiment souvent anodine ou inévitable, passeront devant des commissions d’épuration érigées au sein de la radio libérée. C’est ainsi que, comme les autres administrations du pays, l’Institut National de Radiodiffusion sanctionne les membres de son personnel qui n’ont pas maintenu la distance patriotique suffisante avec l’envahisseur. L’enjeu symbolique de cette vaste opération de rédemption idéologique est tel que les sanctions sont sévères : à l’INR, on ne lésine pas quand il s’agit de faire amende honorable. Mais le jugement est précipité, inconstant, et dans l’irrégularité des traitements réservés à des cas semblables, se révèlent les obstacles et les interférences de la relève : non seulement les épurateurs sont confrontés à des difficultés matérielles, techniques et juridiques insoupçonnées, mais en plus ils ne peuvent mettre en péril la relance d’un média qui vient de démontrer toute sa puissance. C'est à travers ce récit à rebours, qui remonte de la sanction à la faute, que le public était invité à s'immerger dans cette histoire détaillée, presque « sonore » d’une guerre des ondes qui fut si tapageuse que son écho (mythifié?) résonne encore dans notre mémoire collective.
Cette conférence-débat s'est tenue au CegeSoma le 17.11.2021. Céline Rase (UNamur) était interviewée par Jean-Philippe Schreiber (ULB).
Après quatre années passées au service Communication du FNRS, elle a retrouvé l’Université de Namur où elle est notamment chargée du cours de Questions d’histoire de l’époque contemporaine consacré à la thématique de la collaboration et de la répression d’après-guerre. Dans le cadre d’un post-doctorat, elle mène également un projet de valorisation et de vulgarisation scientifique axé autour de la figure méconnue du biologiste Hector Lebrun. Ce projet de recherche est associé à la réalisation d’une exposition et à la production de podcasts qui interrogent l’évolution constante des savoirs, des pratiques et des positionnements scientifiques.