Breendonk. Les débuts ...
Cette publication, basée formellement sur la présentation d’une documentation iconographique unique et de haute qualité, se situe en fait dans la ligne de ce qui avait été réalisé avec 'Avenue Louise 347. Dans les caves de la Gestapo' relative, elle, aux graffitti émouvants et tragiques figurant dans les caves du quartier général de la Sipo-SD, à Bruxelles.
Mais ici, on se trouve en présence d’un reportage photographique réalisé par l’occupant- en l’occurrence Otto Kropf, un photographe professionnel s’étant retrouvé dans une compagnie de la Propaganda Abteilung - dans l’ « Auffanglager Breendonk ».
Ce reportage photographique a été réalisé sans doute dans la première partie de juin 1941-donc avant l’invasion de l’URSS- mais n’a jamais édité on ne sait trop pourquoi. Le but du jeu, pour l’occupant, était de présenter « objectivement » un de ses centres de détention majeurs et qui commençait à avoir fâcheuse réputation, afin de montrer que si les conditions d’existence y étaient dures, elles n’étaient pas inhumaines. De plus, à l’époque, Breendonck n’avait pas encore atteint les sommets de la réputation horrifique qu’il connaîtra par la suite, l’ancien fort de ’14-’18 reconverti en centre de détention abritant encore alors dans ses murs moins de résistants que des individus supposément peu sympathiques pour toute société civile bien ordonnée: petits délinquants, petits trafiquants du « marché noir », asociaux et clochards de tout poil. Sans oublier, depuis le 1er décembre 1940, un certain nombre de Juifs relevant de ces catégories, étant entendu que les nazis avaient naturellement tendance à les accuser de ces maux sociaux avant de les embastiller.
Comme par hasard, l’objectif d’Otto Kropf se plaît à s’attarder sur ces éléments bien spécifiques et , d’une manière lourdement appuyée, s’amuse, consciemment ou inconsciemment, à souligner qui son aspect physique (minable), qui ses traits ethniques (aussi stéréotypés qu’inquiétants). Peut-être, au bout du compte, ces documents ont-ils péché par leur qualité esthétique et technique. Car il suffit de jeter un simple coup d’oeil sur le corpus documentaire ainsi constitué : ce qui est jugé acceptable comme conditions d’existence ou de travail au regard d’un Allemand peu ou prou nazifié peut parfaitement s’apparenter à l’antichambre de l’enfer pour un citoyen belge normalement constitué. Il est parfaitement possible d’imaginer que la Militärverwaltung, prudente, jugea contre-productive l’exhibition du reportage effectué à Breendonck ( quelques mois plus tard, le Sturmbannführer Schmitt, responsable du camp, interdisait d’ailleurs la moindre prise de vues à l’intérieur du fort…), et que ces images sommeillèrent dès lors un bon demi-siècle dans les archives du Fonds Otto Kropf.
Elles n’ont réémergé en l’an 1997 pour être soumises à l’attention du public qu’avec l’appareil critique ad hoc à l’initiative du CegeSoma, ou plutôt de son ancêtre le CREHSGM. Et sans le « regard nazi » destiné au reportage originel, évidemment !
L’ «Auffanglager Breendonk» photographié par Otto Kropf, photographe professionnel de la Propaganda Abteilung.