Le fascisme dans la Bibliothèque du CegeSoma (3) : les héritiers, populistes et 'nationaux-populistes'.

"Le fascisme dans la Bibliothèque du CegeSoma (3) : les héritiers, populistes et 'nationaux-populistes'". Sous ce titre, nous vous invitons à découvrir le quatorzième thème de notre série ‘les rendez-vous du bibliothécaire’. Chaque thème repris sera l’occasion de vous plonger dans nos collections et sera illustré par une vidéo et un texte complétant les informations s’y trouvant.

Visionnez la quatorzième vidéo ‘Les rendez-vous du bibliothécaire : 14. Le fascisme dans la Bibliothèque du CegeSoma (3) : les héritiers, populistes et 'nationaux-populistes'".

Le fascisme à la sauce italienne ou allemande a donc bien laissé une trace dans l’Histoire du XXème siècle. Une trace si négative que pendant des décennies, pour une vaste majorité des opinions européennes, il était entendu que… 'Plus jamais ça ! '. Et hormis dans l’un ou l’autre cas très spécifique (Espagne, Portugal,…), le 'phénomène fasciste' semblait définitivement appartenir au passé. La décolonisation elle-même, avec les inquiétudes, les frustrations et les humiliations qu’elle pouvait susciter ici et là au sein des pays occidentaux fut incapable de le ressusciter, sauf sous une forme groupusculaire (O.A.S. en France, Mouvement d’Action Civique en Belgique, etc…), et il en alla somme toute de même avec la Guerre froide. Sur le plan du 'néo-fascisme', le Mouvement Social Italien semblait bien seul au soleil de la social-démocratie triomphante sous des formes diverses et variées. Puis vint au début des années ‘70 le retournement de la conjoncture, et une longue très longue crise structurelle, tandis qu’apparaissaient de nouveaux leaders se réclamant d’un 'néolibéralisme' moins amène, moins convivial et avec une kyrielle de 'dégraissages' sociaux à la clé. Le communisme soviétique mourut de sa belle mort, tandis que les économies se mondialisaient, et cette mondialisation de plus en plus compétitive s’avéra moins heureuses que ne l’avaient imaginé ses augures. Et le temps continuait à courir, usant les dernières générations qui avaient connu le second conflit mondial.

Dès la fin des années 1980  réapparurent  sur le 'Vieux Continent' des formations politiques que l’on pouvait, sans trop d’exagérations polémiques, assimiler peu ou prou aux héritiers des fascismes historiques de l’entre-deux-guerres. Certes, qu’il s’agisse du Front National français, des partis antifiscaux scandinaves ou néerlandais, du Vlaams Blok flamand, tous avaient un petit air de 'déjà vu' au regard des politistes et des historiens (pour ne pas dire des publicistes de gauche toujours prompts à dénoncer le retour de la 'Bête immonde'). Ne contestaient-ils pas les formes ordinaires de la démocratie représentative au nom d’un Peuple sublimé, paré de toutes les vertus…et en communication 'directe' avec un leader charismatique s’en réclamant abondamment ? Le XXième siècle s’avançant, ponctué d’attentats spectaculaires et de crises à répétition, les démocraties semblant devenir de plus en plus impuissantes et formelles, ces mouvements qu’on désignait de plus en plus comme 'populistes' ou, mieux, comme 'nationaux-populistes', allèrent se renforçant jusqu’à l’élection, outre-Atlantique, d’un certain Donald Trump à la présidence des U.S.A. Ce fut alors un raz-de-marée, historiographiquement parlant.

Le CegeSoma, par sa fonction, ne pouvait manquer d’épingler le phénomène et de diriger vers les collections de la bibliothèque un certain nombre de titres intéressant sur le sujet.

S’il nous manque encore, jusqu’à présent, les études de Dominique Borne ( Petits bourgeois en révolte ? Le mouvement Poujade-1977) ou de Sandro Setta (L’Uomo Qualunque 1944-1948—2005), ce n’est sans doute que partie remise, et nous avons déjà pu rentrer bon nombre de recherches sur le Front National d’outre-Quiévrain et sur ses imitateurs étrangers. On se souviendra, à ce niveau, de la très intéressante synthèse produite aux éditions du CRISP en 2004 sous la direction de Pierre Blaise et Patrick Moreau, Extrême droite et national-populisme en Europe de l’Ouest. De haute tenue scientifique, elle a été suivie par nombre de travaux du même genre sur cette thématique mais, faut-il le dire, avec quelques années de retard… Comme par hasard, l’ascension médiatique puis l’élection-surprise de Trump à la tête des Etats-Unis d’Amérique s’est révélée à cet égard un puissant stimulant. Ainsi, alors qu’avant 2017 Enzo Traverso s’avérait encore un des rares chercheurs internationaux à se pencher sur cette problématique après les travaux de Dick Pels (Het volk bestaat niet. Leiderschap en populisme in de mediademocratie—2011), de Pierre-André Taguieff (Le nouveau National-populisme—2012) et Benjamin Moffitt (The global rise of populism—2016), on enregistra à partir de 2017, à la suite de cette fameuse élection américaine,  une véritable efflorescence d’écrits historiens voués à étudier de près le populisme,  ses dérives, ses formes variées, ses dangers.

Voyez plutôt : tandis que Federici Finchelstein resituait en 2017 le phénomène dans son contexte général (From fascism to populism in history), les politistes proches de l’université d’Oxford produisaient la même année un volumineux Oxford Handbook of populism. Et à peine un an plus tard, le Belge Bruno Colmant s’efforçait d’embrasser le concept Du rêve de la mondialisation au cauchemar du populisme (2019) tandis que Federico Tarragoni en était resté (un peu naïvement ?) à L’esprit démocratique du populisme  (2019), voyant en celui-ci une protestation authentiquement populaire face à la vacuité d’une démocratie de plus en plus théorique… Contrairement à lui, dès 2016, Renée Frégosi avait dénoncé Les nouveaux autoritaires. Justiciers, censeurs et autocrates, ne voyant dans ces forces contestatrices que des entités purement négatives inspirées par de dangereux démagogues peu soucieux du bien commun, et cette thèse sera encore reprise con amore en 2022 par Gino Germani dans Authoritarianism, fascism and national populism. Le populisme 'de gauche', lui, a fait l'objet de nettement moins de travaux, même si des chercheurs de qualité, comme Chantal Mouffe par exemple, ont gravité à son ombre.

Les choses étant ce qu’elles sont et l’humanité étant ce qu’elle est avec sa mémoire courte, gageons que le national-populisme, comme le fascisme, est promis à un bel avenir … dans les collections de notre bibliothèque à tout le moins !