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L’anticommunisme en Belgique durant la Guerre froide (2022 - )

Pendant la bataille d'Imjin, le 23 avril, A. Crahay est interviewé par un journaliste américain. Collection Albert Crahay, volontaires belges dans la guerre de Corée, photo n° 122875, droits réservés CegeSoma/Archives de l'Etat..

Par le biais du programme de recherche sur l'anticommunisme en Belgique pendant la Guerre froide, le CegeSoma souhaite s'inscrire dans une tradition plus ancienne au sein de l’institution. José Gotovitch et Rudi Van Doorslaer, qui ont successivement dirigé le Centre entre 1989 et 2016, ont non seulement produit d'importants travaux sur le communisme, mais aussi sur la manière dont divers acteurs belges ont tenté d'enrayer son influence.

En 1985, Rudi Van Doorslaer et Etienne Verhoeyen publiaient un ouvrage controversé sur l'assassinat du député communiste Julien Lahaut durant l'été 1950. Dans ce livre, ils accordaient une grande attention au climat anticommuniste dans lequel le meurtre s’était produit et analysaient les idées et les actions des réseaux d'extrême droite contre le communisme.

L'enquête menée trente ans plus tard au CegeSoma par Emmanuel Gerard, Widukind De Ridder et Françoise Muller a suivi la voie tracée. Plus encore que leurs prédécesseurs, ils ont replacé le meurtre dans le contexte de la Guerre froide et de son apogée provisoire après le déclenchement de la guerre de Corée plus tôt cet été-là.

Bien qu’il reste encore de  nombreuses zones d’ombre dans le domaine de la recherche sur les réseaux anticommunistes belges et dirigés depuis la Belgique, le CegeSoma va, dans les prochaines années, s'intéresser principalement à un certain nombre d'initiatives anticommunistes prises par le gouvernement belge ou auxquelles il a participé, et ce, bien sûr, dans le cadre de la dimension Guerre et Société.

L'accent sera mis sur le début de la Guerre froide et en particulier sur la fin des années 1940 et le début des années 1950. L'anticommunisme a imprégné toutes les strates de la société belge au milieu du vingtième siècle. La compréhension de ce cadre interprétatif polarisant et de son évolution, peut nous aider à mieux comprendre comment les Belges ont donné un sens à la Guerre froide.

Nous chercherons entre autresl’écho de la guerre de Corée dans les différentes couches de la société belge. À l'été 1950, une guerre éclate dans la péninsule coréenne après que les troupes du Nord communiste aient envahi le Sud dominé par les États-Unis. Les dirigeants américains parviennent alors à intégrer la réaction internationale au sein d’une opération des Nations unies, en partie parce que l'Union soviétique y menait alors une politique de la chaise vide en vue d'une reconnaissance occidentale de la République populaire de Chine. Le conflit en Corée fait alors craindre à de nombreuses personnes en Europe occidentale une troisième guerre mondiale. Bien que le gouvernement belge partage ces craintes, il procèdera à la formation d'un bataillon de volontaires après des pressions américaines répétées. Au total, quelque 3 500 soldats belges iront en Corée entre 1951 et 1955. Les historiens ont jusqu'à présent accordé peu d'attention à leur participation et à l'impact de cette guerre sur la société belge.

Au cours de cette même période, les expropriations massives en vue de l'établissement de bases militaires britanniques provoquent une grande agitation dans la Campine anversoise. L'automne 2022 marque en effet les 70 ans de la conclusion de l'accord Gondola passé entre les gouvernements belge et britannique. Celui-ci prévoyait, en pleine Guerre froide, la création de quatre camps et d’une vingtaine de dépôts répartis dans la province d'Anvers, tandis que des "quartiers anglais" étaient construits dans les petites villes de Herentals et de Lier. Cet ensemble de bâtiments et de terrains a fonctionné jusqu'au début des années 1990 en tant que zone de ravitaillement pour l'armée britannique du Rhin, qui se tenait prête en Allemagne de l'Ouest à répondre à une éventuelle attaque soviétique. Finalement, ce sont plusieurs milliers de militaires britanniques qui ont séjourné en Campine pendant au minimum plusieurs années et "l’Anglais" a fourni du travail à plus de 12 000 personnes au total pendant des décennies. Dans les années à venir, nous nous pencherons également sur ce pan plutôt méconnu de l'histoire de la Guerre froide en Belgique.